Historique :

Lors d’une réunion au ministère des affaires sociales, une demande d’une théorie cadre de la criminologie apparaît. Cette mission est confiée à Jean Pinatel. Il étudie ainsi tous les ouvrages qui traitaient de la personnalité du délinquant et va, entre 1950 et 1960, faire une grille de lecture, entre deux secteurs qu‘il a établit. Il va élaborer une liste de caractéristiques de l’infracteur : l’égocentrisme, la labilité, l’agressivité et l’indifférence affective, qui constituent ainsi à personnalité du délinquant. A partir de ses propres constats, Pinatel a dès lors, une théorie cadre de la criminologie.

Éléments constitutifs

Dans l’étude documentaire de Pinatel lui a permis de rassembler les éléments communs dans un premier secteur et les éléments qui n’étaient pas tous communs dans un second secteur
Le premier secteur est constitué de 4 points :

L'égocentrisme

Il s’agit de la tendance à tout ramener à soi, à être « centré » sur soi. Sur le plan criminologique, il se traduit par défaut d’inhibition que le sujet manifeste vis-à-vis de la désapprobation
Sociale. Cela entraine un certains nombre de conséquences : le sujet a tendance à auto légitimer ses actes : le délinquant égocentrique accuse autrui avec la même facilité qu’il se légitime en rendant la victime coupable.

L'origine de l'égocentrisme :Il semble qu’il s’agisse d’une tendance généralisée chez l’enfant, qui naît égocentrique. Cette phase se développe dans la prime enfance et c’est toute la socialisation de l’enfant et son éducation qui va lui permettre de se décentrer progressivement de lui, en intégrant autrui. C’est au niveau de cette étape que certains échecs sont possibles, notamment sur le plan de la socialisation : l’égocentrisme infantile peut alors subsister à l’âge adulte. Cet égocentrisme va ainsi devenir problématique à l’adaptation de l’individu à son environnement social. L’individu va réagir au monde par de la susceptibilité, de la suffisance, parfois par l’envie ou le dépit. Il va manifester de l’agacement par rapport au monde, et va se sentir frustré de ne pas tenir toute l’attention.

Dans le cadre du passage à l’acte, cet égocentrisme va conditionner les attitudes du délinquant envers lui-même. Il ne va pas pouvoir juger la situation d’un autre point de vue moral que le sien. Il conditionne également les attitudes envers autrui : le délinquant va justifier ses actes en mettant en avant sa propre injustice et en renversant sa culpabilité sur sa victime (il justifie ses actes en invoquant la faute de la victime). Etienne De Greeff : « le délinquant n’arrive à rendre sa faute légitime : qu’en dévalorisant les lois et les hommes, en se démontrant que l’hypocrisie est universelle et qu’il est plus honnête lui que ceux qui auraient à le juger ».

La Labilité

(du latin labilis : fragile, glissant). Il s’agit de l’incapacité à s’appuyer sur la menace pénale pour ne pas accomplir certaines infractions : c’est le défaut d’inhibition que le sujet manifeste vis-à-vis de la menace pénale : Le délinquant labile ne se sent pas menacé par la sanction encourue, lorsqu’il accomplit son (ses) infraction(s).

Cet élément montre la fluctuation de la personnalité de l’individu, dans son imprévoyance des conséquences : incapacité à tirer profit des expériences passées ou de s’engager dans la durée. On comprend qu’il s’agit d’une personnalité versatile, assimilable à la tendance à vivre dans l’instant présent, à rechercher le plaisir immédiat.

Sur le plan social, l’infracteur passe d’une situation à une autre sans constance (emploi, région…), il manifeste un besoin excessif de changement. Sur le plan personnel, l‘affectivité est également soumises à de grandes fluctuations. De ce fait, les rapports avec autrui s’en trouvent fortement bouleversés, caractérisés par une grande instabilité.

L'Agressivité:

Elle est à différentier de l'agression. C’est une « force instinctive qui a pour fonction de vaincre et d‘éliminer les obstacles et les difficultés qui barrent la route aux actions humaines ». L'agressivité a une fonction positive : c'est le dynamisme de l'activité délinquante. Pour obtenir l'accomplissement de son acte, le délinquant doit user de son agressivité. Il s’agit là d’un élément caractéristique d'un délinquant selon plusieurs auteurs. Dans la dynamique du crime, l'agressivité constitue l'élément incitateur, le moteur, la ressource, l'élément pulsionnel du passage à l'acte pour triompher des difficultés.

Selon Pinatel, l’agressivité est l'énergie mobilisée par l'infracteur pour commettre son infraction.

L'Indifférence Affective:

Selon Pinatel, « lorsque l'on parle de l'indifférence affective ou l'insensibilité morale du délinquant, on veut dire qu'ils n'éprouvent pas d'émotion et d'inclinaison altruiste et sympathique, qu'ils sont dominés par l'égoïsme, la froideur vis-à-vis du prochain. » On relève l'idée que le sort de l'autre ne suffit pas à arrêter le criminel. Il ne voit les choses qu'à travers lui-même, engendré par l’égocentrisme.

Pinatel considère que l'indifférence affective est l'élément ultime du passage à l'acte
« car pour que le délinquant ne soit pas arrêté, inhibé par les conditions même de l'exécution du crime, il faut qu'il soit à ce moment-là aveuglé et sourd à ce que l'exécution de son crime comporte d'odieux. »

Le second secteur est le secteur des variantes, ou variables. Il y a une infinité de composantes qu'il a tenté de regrouper en secteurs pour cerner l'affinité qui peut exister entre les secteurs et l'acte délinquants. Ces traits influencent les modalités de l’acte : direction, réussite, raison apparente…
Pinatel répertorie plusieurs « sous-secteurs » : le tempérament, caractérisé par une très grande activité (super actif) ou au contraire par une très grande passivité, les aptitudes physiques et intellectuelles, les aptitudes professionnelles, techniques et sociales, les besoins alimentaires ou encore la sexualité

Pour Pinatel, c'est l'association de ces traits, leurs actions (il faut que ces traits soient réunis), leurs interactions et leurs résultantes, qui à un moment donné transforment pour un temps variable la personnalité (dans sa globalité), en personnalité criminelle. Selon lui, on peut avoir tous les traits exposés dans sa première section sans pour autant devenir un délinquant. Ce sont tous ces éléments associés en même temps, qui interagissent et aboutissent au passage à l'acte pré criminel.

En conclusion, selon la théorie de la personnalité criminelle de Jean Pinatel, pour qu’il y ait passage à l’acte, il faut que l’individu soit affranchi de la contrainte de l’opprobre sociale par une autolégitimation subjective, favorisé par son égocentrisme; qu’il ait surmonté la crainte des châtiments encourus par la suite de sa labilité ou de son imprévoyance; qu’il ait triomphé en raison de son dynamisme agressif de tous les obstacles susceptibles de rendre l’exécution matériellement impossible et enfin qu’il soit sourd à la résistance intérieure d’ordre affectif.

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